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Dédicace - Catherine Hirsch-François Kérel - Marché de la Poésie

пт, 09 июн.

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Place Saint-Sulpice

A l'occasion du Marché de la poésie qui se tiendra place st Sulpice du 7 au 11 juin, Catherine Hirsch, la fille de François HKérel, nous fera le plaisir de présenter l'anthologie poétique de son père.

Dédicace - Catherine Hirsch-François Kérel - Marché de la Poésie
Dédicace - Catherine Hirsch-François Kérel - Marché de la Poésie

Heure et lieu

09 июн. 2023 г., 16:00 – 18:00

Place Saint-Sulpice, Place Saint-Sulpice, 75006 Paris, France

À propos de l'événement

François Kérel, qui étiez-vous Monsieur Hirsch ?

Adolescente puis adulte, j’ai souvent entendu mon père, François Hirsch, Kérel  de son nom de plume, regretter de consacrer toute son énergie, et je dirais tout son talent, à traduire plutôt qu’à écrire ses propres poèmes. à sa mort, le 12 octobre 2021, je ressens comme une urgence de faire éditer l’ensemble de son œuvre poétique et me mets en quête d’un éditeur. Jean-Marc Collet qui dirige Vibration éditions répond favorablement à ce projet. Qu’il en soit ici chaleureusement remercié.

François Kérel est surtout connu comme traducteur. Ce sont ses traductions du tchèque qui ont fait connaître en France l’œuvre romanesque et théâtrale de Milan Kundera dans les années soixante et 70 . Sa traduction du russe des poèmes d’Ossip Mandelstam, qu’Elsa Triolet lui avait fait promettre de réaliser puis, après la mort d’Elsa, qu’Aragon lui avait demandée dans une lettre qu’il a conservée, a été publiée dans la collection Poésie de Gallimard . Ses traductions de l’américain de la plupart des romans de Cormac Mac Carthy  ont rencontré un très grand succès et lui ont valu le prix Maurice-Edgar Coindreau en 1989 pour sa traduction de Méridien de sang. Et il a consacré les derniers mois de sa vie à la traduction du tchèque du recueil de poèmes intitulé Prague aux doigts de pluie de Vitezslav Nezval  dont il avait traduit dans les années cinquante et soixante plusieurs œuvres . Ce sont là ses traductions d’auteurs les plus illustres mais la liste des œuvres des romanciers tchèques qu’il a traduites est également impressionnante, Vaclav Havel , Josef Skvorecky , Bohumil Hrabal , Osenacek , Karel Capek , Jan Neruda , Ladislav Fuks , Jaroslav Hasek, Jaromir John, Ivan Olbracht , Adolf Hoffmeister , Frantisek Kosik , Marie Marejova .

En reconnaissance de sa contribution au rayonnement de la littérature tchèque en France, le gouvernement tchèque lui a décerné en 2021 le prix Gratias Agit, prix qui lui a été remis quelques jours avant sa mort et dont il s’était dit très fier et honoré.

Pourtant, François Kérel a d’abord été un poète. En 1952, il publie chez Pierre Seghers un premier recueil, intitulé Au croisement de notre amour et des combats puis en 1960, chez Pierre Jean Oswald, un second recueil intitulé La petite suite pour survivre. En octobre 1965, il publie un poème sans titre dans la revue Action Poétique éditée par Pierre Jean Oswald. Ensuite, l’énergie qu’il consacre à mener de front son travail de traducteur pour les organisations internationales et ses très nombreuses traductions littéraires l’ont détourné de l’écriture des poèmes. En 1987, il écrit pour son fils Daniel qui venait d’achever le tour du monde à la voile sur L’esprit d’équipe, un poème imité de Lermontov. Après la mort de sa compagne Patricia, il se remet à écrire des poèmes, intitulés Boundjis, du surnom qu’il lui donnait. Il avait l’intention de publier cet ensemble de poèmes dès qu’il en aurait écrit douze, car disait-il, « douze, c’est un recueil ». Mais sa dernière traduction des poèmes de Nezval l’a conduit à différer ce projet puis la mort l’a fauché avant qu’il n’achève l’écriture des six poèmes manquants. Les six poèmes Boundjis sont publiés ici pour la première fois. Ce recueil rassemble donc toute l’œuvre poétique de François Kérel.

François Hirsch est né à Paris le 13 décembre 1925, dans une famille de la bourgeoisie juive assimilée et dont les liens avec la religion étaient donc très distendus. Il a passé son enfance dans l’entre-deux-guerres avec ses parents, Gaston Théophile Hirsch et Yvonne Strauss, et sa sœur aînée, Nicole, dans le 16e arrondissement de Paris, au 75 de l’avenue Mozart. Son père, entrepreneur, qui avait fait la guerre de 14 à l’état-major était un fin lettré, grand lecteur de Voltaire et passionné d’histoire. Il a écrit plusieurs œuvres qui n’ont jamais été publiées et notamment un journal de guerre commencé en 1940 et qui s’arrête en 1942.

François Hirsch est né avec une déficience visuelle qui l’a handicapé toute sa vie mais à laquelle il doit sans doute son imagination et sa singularité. Il s’était en effet créé un monde à lui dans lequel il était un chien qui aimait à aboyer, où les bananes étaient des folapoussettes et où on faisait de la fifipointue, c’est-à-dire de la géographie…

Adolescent au moment où la guerre éclate, sa vie bascule. François quitte l’avenue Mozart et le lycée Janson de Sailly pour Dinard puis pour le Chambon-sur-Lignon où il se réfugie avec sa mère et sa sœur, Nicole. Au Chambon, François poursuit ses études au collège Cévenol, protégés lui et sa famille dans ce village des Justes parmi les Nations. C’est là qu’il connaît Marise Lévy-Boris qu’il épousera en 1952. Son père est arrêté en février 1942 et interné à Drancy. Malgré tous les efforts et le courage de son épouse pour obtenir sa libération, il sera déporté et gazé à son arrivée à Auschwitz en avril 1942. François Hirsch s’est rendu à deux reprises à Auschwitz pour rendre hommage à son père, mort sans sépulture et dont le nom est inscrit au Mémorial de la Shoah à Paris.

François a toujours regretté de n’avoir pu s’engager dans l’armée en 1944, après la libération de Paris, à cause de sa mauvaise vue. Il se mobilise alors pour d’autres combats. Au sortir de la guerre, comme beaucoup de jeunes gens épris de justice sociale, il s’engage avec passion au parti communiste pour changer le monde. Il abandonnera cet engagement au début des années soixante.

Après avoir étudié le droit, il s’engage dans l’apprentissage des langues slaves, le russe et le tchèque, à l’Institut national des civilisations et langues orientales, car il veut passer le concours du Quai d’Orsay. Il obtient un diplôme de langue russe en 1948 et un diplôme de langue tchèque en 1951.

Il écrit des poèmes et en traduit, se lie d’amitié avec Louis Aragon et Elsa Triolet et des poètes compagnons de route du parti communiste, dont son grand ami Charles Dobzynski ainsi que Gérard Cléry, Benjamin Perret, Henri Soupault et Henri Deluy. Il participe alors à l’Anthologie de la poésie russe publiée sous la direction d’Elsa Triolet chez Pierre Seghers. Entre 1947 et le début des années soixante, François fait plusieurs séjours en Tchécoslovaquie où il fait la connaissance de Vitezslav Nezval et de Milan Kundera, notamment, et commence à traduire des auteurs tchèques.

Après avoir eu des contrats de traducteur à l’UNESCO à Paris, François Hirsch réussit le concours de traduction de l’ONU en 1965 (en anglais et en russe) et part vivre et travailler à New York avec Patricia Schaeffer qui était devenue sa compagne. En 1970, il revient en Europe et s’établit à Genève. à partir des années quatre-vingt, il partage sa vie entre Genève où il travaille à l’ONU et la Digne d’Aval dans l’Aude où il avait acheté une maison.

Travailleur acharné, il mène de front, avec la même conscience et exigence, son travail de traducteur à l’ONU et ses traductions littéraires auxquelles il s’attelle le soir et pendant ses congés.

François Hirsch était un citoyen du monde qui a beaucoup voyagé. L’Amérique bien sûr quand il y vivait : New York et ses clubs de jazz, le Nouveau Mexique à la rencontre de Cormac Mac Carthy et à la découverte des paysages de ses romans. Rome, Nairobi, Singapour, Santiago du Chili… à la faveur de missions professionnelles. La Suisse dont les paysages l’enchantaient et où il aimait beaucoup marcher en montagne. Dans les années 2000, il a enfin pu découvrir la Russie et c’est à Saint Pétersbourg qu’il a aimé aller à plusieurs reprises tant il aimait, la langue, la littérature russe et l’âme slave. François Hirsch aimait profondément les gens, il avait des amis de tous âges et de toutes les nationalités. Comme son père, il était un humaniste.

Polyglotte amoureux des langues, François parlait et écrivait un français remarquable : son vocabulaire était d’une incroyable précision, il avait la science du mot juste et une diction merveilleuse. C’est cette langue qui fait la musicalité de sa poésie.

Si François Hirsch a consacré sa vie aux mots et à la musique des langues, il était aussi un amoureux de la nature. Il aimait s’y promener, se baigner dans la mer et les rivières, ramer sur les lacs. Plus que tout, il a aimé marcher sur les chemins du pays cathare avec Patricia. Et quand elle s’en est allée, il a continué de se promener… Il est mort le 12 octobre 2021 à Carcassonne et il repose, aux côtés de Patricia, au cimetière de La Digne d’Aval. Sur sa tombe, il a fait graver ce début de poème : à ras de ciel, une aile sur la terre.

Au croisement de notre amour et des combats est un recueil de jeunesse, écrit au sortir de la guerre dans lequel il chante l’amour naissant pour sa femme — il s’ouvre sur un poème rimé qui lui est dédié — et le retour de l’espoir après les années sombres de la guerre. C’est ce même thème de l’espérance qui traverse le poème intitulé Enfants que l’on bénit. Les deux derniers poèmes du recueil sont des poèmes de combat. L’un est dédié à Nazim Hikmet  qui était alors en prison depuis 1938. Un comité pour la libération de Nazim Hikmet avait été créé à Paris à l’initiative de Jean-Paul Sartre, Pablo Picasso, Louis Aragon et Charles Dobzynski. L’autre est dédié à René Depestre, poète, romancier et essayiste haïtien, activiste politique qui a été également emprisonné avant de devoir s’exiler à Paris après l’arrivée au pouvoir à Haïti d’un régime militaire.

La petite suite pour survivre est un recueil d’inspiration surréaliste, palpable dans deux longs poèmes, Les captifs et Neiges. C’est aussi un hymne à la nature, à la joie d’être dans la nature, de skier dans un paysage de neige (Les skieurs), de ramer sur un lac (Souvenir d’août). Le poème qui a donné son titre au recueil renoue avec l’espérance qui était au cœur du recueil précédent ; il chante l’amour et la magie des mots, la poésie qui sauve. Le recueil se clôt sur Le voyant qui est un magnifique hommage à Vitezslav Nezval, décédé en 1958. Nezval a été sans aucun doute une rencontre humaine et poétique majeure dans la vie de François Kérel. Il évoque avec beaucoup de ferveur cette rencontre et leurs échanges, (Nezval, je prononce votre nom comme une formule magique) notamment en se référant à la traduction du poème Edison à laquelle ils avaient travaillé ensemble. Ce poème fait incontestablement le lien entre le poète et le traducteur qu’était François Kérel comme en témoignent les vers suivants :

C’est tellement troublant pour un poète

Ce mystère des rimes

D’une langue à l’autre ce prodigieux accouplement des mots

Ces coïncidences d’images identiques et diverses

[comme deux étreintes

Pourquoi faut-il que dans l’une et l’autre langue, le mot sang

[rime avec le mot chant

[…]

Et dans l’une et l’autre langue

Le mot joueur s’accorde avec le mot pleur

Comme avec ses yeux vides un homme qui a tout perdu

Et après cela on va nous dire que les hommes ne se ressemblent

[pas

J’apporte d’une langue à l’autre des couples de poèmes comme

[une preuve de fraternité

Nous sommes tellement semblables jusque dans le langage le

[plus profond

Et surtout dans le langage le plus profond

Où le battement du cœur remplace le jeu des rimes

Où les étoiles des images se pénètrent

Où la rose prosaïque s’épanouit

Nous sommes tellement semblables

Jusque dans la banalité

Dans notre langue

L’amour au lieu du jour s’accorde avec le rêve

Et le soleil des mots

D’une langue à l’autre se transmue […]

Boundjis constitue un ensemble de poèmes plus sombres, écrits après la mort de Patricia, entre 2001 et 2021. Ils évoquent Patricia souffrante, ils évoquent Patricia mourante, mais ils évoquent aussi le souvenir lumineux des jours heureux des promenades sur les chemins de l’Aude. Ce sont surtout de magnifiques poèmes d’amour dans lesquels les mots ont le pouvoir magique de ressusciter l’être aimé !

Catherine Hirsch

Septembre 2022

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